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Un statut unique, davantage protecteur, pour les entrepreneurs individuels

La loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante refond le statut de l’entrepreneur individuel en distinguant patrimoine professionnel et patrimoine personnel et en assurant à ce dernier une protection élargie et simplifiée. La fin de l’unicité du patrimoine de l’entrepreneur individuel apparaît comme une vraie révolution, même si, en pratique, certains s’inquiètent déjà de voir l’accès au financement sérieusement perturbé.

Selon le projet initial du Gouvernement, la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, publié le 15 février 2022 au Journal officiel, doit « offrir aux entrepreneurs un cadre plus simple et protecteur au moment de la création d’entreprise et pour les accompagner tout au long de l’exercice de leur activité ». C’est en ce sens que le texte simplifie le cadre juridique de l’entrepreneur individuel en instituant un statut unique, protecteur du patrimoine personnel, qui entrera en vigueur le 15 mai 2022.

Une nécessité de légiférer

L’enjeu de la réforme est de taille : d’une part, les créations d’entreprises sont en constante progression depuis 2016 et atteignaient presque un million d’unités en 2021 ; d’autre part, trois quarts des créateurs démarrent leur activité en nom propre, dont une large majorité ayant le statut de micro-entrepreneur, l’option de la société unipersonnelle restant peu usitée lors d’une création.

En choisissant d’exercer en nom propre, l’indépendant était jusqu’à présent responsable, au titre de son activité professionnelle, sur l’ensemble de ses biens, y compris personnels et familiaux, sauf exceptions : insaisissabilité de la résidence principale et dispositions particulières telles que la déclaration d’insaisissabilité de certains biens ou l’option pour le statut de l’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée). Créé en 2010, le régime de l’EIRL, qui consiste en une déclaration d’un patrimoine expressément affecté à l’activité professionnelle sans constitution de société, n’a pas rencontré le succès escompté : seuls 3 % des entrepreneurs individuels actifs y ont eu recours. Selon l’étude d’impact du projet de loi, « l’entrepreneur individuel n’opte généralement pas pour le statut de l’EIRL parce qu’il ne souhaite pas entreprendre d’autres démarches que celles relatives à la déclaration de son activité professionnelle et à son immatriculation ». Des modalités d’application complexes, un formalisme important, des décisions de jurisprudence qui ont pu apparaître alambiquées et, sur le terrain, une promotion limitée de la part des structures de conseil et d’accompagnement n’ont pas non plus aidé au développement de ce statut.

De fait, malgré d’autres mesures législatives adoptées depuis pour les entrepreneurs individuels – « loi Macron » du 6 août 2015 rendant la résidence principale insaisissable de plein droit pour la liquidation des dettes professionnelles et « loi PACTE » du 22 mai 2019 supprimant, dans le cadre de l’EIRL, l’obligation d’établir un état descriptif des éléments à affecter au patrimoine professionnel lorsque ceux-ci n’existent pas, généralement en début d’activité –, le constat du législateur était que le patrimoine personnel des entrepreneurs indépendants restait encore faiblement protégé.

Instauration d’une responsabilité limitée au patrimoine professionnel

À compter du 15 mai 2022, tout entrepreneur individuel sera titulaire, sans qu’aucun acte de volonté ou aucune formalité soit nécessaire, de deux patrimoines :

  • – un patrimoine professionnel constitué des « biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes », ce patrimoine ne pouvant être scindé (C. com. art. L. 526-22, al. 2) ;
  • – un patrimoine personnel constitué des éléments de son patrimoine non compris dans le patrimoine professionnel.

Précisons, pour les entreprises en activité à ce moment-là, que les nouvelles dispositions relatives à la dualité des patrimoines s’appliqueront aux créances nées après le 15 mai 2022. Quant aux dispositions modifiant les procédures d’exécution, elles ne s’appliqueront pas aux procédures en cours à cette date.

À la différence de l’EIRL, l’entrepreneur ne bénéficiera donc plus du choix d’affecter ou de retirer tel élément de son patrimoine professionnel. Il n’y aura plus de déclaration d’affectation, la séparation sera de plein droit.

Mise en extinction du statut de l’EIRL
Il n’est plus possible d’adopter le statut de l’EIRL depuis le 15 février 2022. L’ajout à un patrimoine affecté déjà constitué ou le retrait d’éléments restent possibles. Les entrepreneurs individuels ayant choisi le statut de l’EIRL demeurent soumis aux articles L. 526-6 et suivants du Code de commerce le régissant.

Reste à savoir si le contour du patrimoine professionnel sera suffisamment explicite pour garantir la sécurité juridique de l’entrepreneur individuel et de ses ayants droit, autrement dit pour que l’on puisse toujours déterminer, au cas par cas, auquel des deux patrimoines appartient un élément d’actif ou de passif. Le rapport du Sénat sur le projet de loi ne manquait pas de souligner que le critère choisi « laisse une importante marge d’appréciation et risque donc d’engendrer de nombreux contentieux ; des années, voire des décennies pourraient s’écouler avant que la jurisprudence en la matière se stabilise ». L’un des décrets d’application attendu de la loi devra donc nécessairement préciser la définition du critère d’utilité servant de démarcation entre les patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel.

Remarque
La loi précise que cette distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorisera pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal.

Quoi qu’il en soit, seuls les éléments utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel pourront par conséquent être saisis en cas de défaillance. En toute logique, « seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel » (C. com. art. L. 526-22, al. 6). Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers pourra s’exercer sur le patrimoine professionnel, mais uniquement dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.

L’insaisissabilité de droit de la résidence principale, de même que les déclarations d’insaisissabilité portant sur un autre bien foncier bâtis ou non bâti non affecté à l’usage professionnel restent applicables (C. com. art. L. 526-1).

Charge de la preuve en cas de mesure d’exécution
La procédure d’exécution qu’engagera un créancier à l’encontre de l’entrepreneur individuel en vue d’obtenir le recouvrement d’une dette devra porter uniquement sur le ou les biens sur lesquels il dispose d’un droit de gage (Code exécution, art. L. 161-1). Cependant, si l’entrepreneur conteste l’inclusion ou non de certains éléments d’actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier, c’est sur lui que reposera la charge de la preuve (C. com. art. L. 526-22, al. 7). En pratique, la preuve de la composition des patrimoines pourrait notamment résulter des documents comptables de l’entrepreneur individuel, en particulier le bilan annuel qui décrit séparément les éléments actifs et passifs de l’entreprise.

La responsabilité du créancier saisissant pourra être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il aura procédé à une mesure d’exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général (C. com L. 526-22, al. 7).

 

Renonciation possible à la dualité des patrimoines

Rien n’empêchera l’entrepreneur individuel d’apporter à ses créanciers professionnels en garantie d’une dette professionnelle un élément de son patrimoine personnel, par exemple consentir une hypothèque sur un bien immobilier personnel (C. com. art. L. 526-22, al. 6).

Rien ne lui interdira non plus de renoncer à l’insaisissabilité légale de la résidence principale, ni de revenir sur une déclaration d’insaisissabilité évoquée précédemment.

De façon générale, l’entrepreneur individuel pourra aussi, « sur demande écrite d’un créancier », renoncer au bénéfice de la séparation des patrimoines (C. com. art. L 526-25). Cependant, la renonciation devra correspondre à un engagement spécifique dont il devra rappeler le terme et le montant, qui devra être « déterminé ou déterminable ». Un décret à paraître doit venir préciser le formalisme de la renonciation (mentions, délai de réflexion, etc.). Le principe de la renonciation devrait en pratique faciliter l’accès au crédit bancaire. Car sur ce point, la loi, à peine promulguée, fait débat. Certains acteurs s’alarment, en effet, du risque d’asséchement du financement de l’activité des entreprises en raison de l’élargissement de fait du patrimoine insaisissable.

Notez qu’il n’est pas prévu, en revanche, que l’entrepreneur puisse renoncer à la séparation des patrimoines en faveur d’un créancier personnel, ce dernier pouvant toutefois, comme évoqué précédemment, agir sous certaines conditions sur le patrimoine professionnel.

La renonciation face au droit des créanciers publics (Trésor public et Urssaf)

La séparation des patrimoines sera, en toute hypothèse, inopposable à l’administration fiscale pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel et dont lui-même ou son foyer fiscal seront redevables.

En revanche, les dettes dont l’entrepreneur individuel sera redevable auprès des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions sociales relèveront normalement du patrimoine professionnel, sauf en cas de manœuvres frauduleuses ou encore d’inobservations graves et répétées de ses obligations (C. com. art. L. 526-24).

Transmission de l’entreprise individuelle facilitée

L’un des autres objectifs de la loi du 14 février 2022 est d’encourager le passage d’une activité en nom propre à une exploitation en société et d’assurer la fluidité du passage. En ce sens, le nouvel article L. 526-27 du Code commerce prévoit que l’entrepreneur individuel pourra vendre, donner ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel (droits, biens, obligations et sûretés), sans procéder à la liquidation de celui-ci. Le transfert de propriété sera opposable aux tiers à compter de sa publicité. Les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété pourront former opposition au transfert du patrimoine professionnel. Le délai pour agir sera fixé par décret.

Bon à savoir
1. Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel ne change rien aux règles de la communauté conjugale, qu’il s’agisse des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer les biens communs ou en disposer ou du sort des dettes nées pendant le mariage. Il semble en résulter qu’un bien commun pourrait intégrer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sans que son conjoint ait nécessairement donné son accord ou même en soit informé. Cependant, selon les propos du ministre délégué en charge des PME lors des débats parlementaires, l’inclusion de biens communs dans le patrimoine professionnel devrait être rendu possible avec l’accord du conjoint. Ces biens ne pourraient dès lors pas être saisis par un créancier personnel. Nul doute que le décret d’application de l’article 1 de la loi devrait apporter sur ce point davantage de précisions.

2. La réforme du statut de l’entrepreneur individuel n’a pas d’incidence particulière en matière successoral. La dualité patrimoine professionnel / patrimoine personnel qu’elle créée à des fins de protection contre les créanciers s’éteint au décès de l’entrepreneur, l’ensemble de son patrimoine intégrant la masse successorale telle que définie par le droit commun.

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